mardi 25 février 2014

Alain Niava: ‘‘La Côte d’Ivoire sera le pôle mondial de la créativité vestimentaire’’




Alain Niava, le miroir de la Haute Couture en Côte d'Ivoire
Alain Niava est l’un des dignes ambassadeurs de la mode ivoirienne sur le plan international. L’homme a embrassé le métier de la haute couture après une formation d’ingénieur informaticien. Aujourd’hui, il a pignon sur rue, aussi bien en France, en Espagne, en Allemagne, en Norvège, en Chine qu’en Côte d’Ivoire. Sous le label "Alleen’s wear", il propose aussi bien des accessoires de mode que des vêtements de la haute couture. Dans cet entretien, il déroule son parcours et sa passion de créateur de mode.

Ingénieur informaticien (analyste programmeur), comment s’est déterminé votre choix pour la mode ?
La mode a toujours fait partie de mon éducation, mon environnement et de mon quotidien. En ce sens que ma mère qui est professeur de couture a initié tous ses enfants à ce métier. Ce, pour la simple raison qu’elle cousait pour ses enfants. Nous étions donc habillés par elle. Plutôt que d’aller nous amuser et avoir d’autres activités récréatives, comme tous les autres enfants, nous avions pour tâche de faire les ourlets, monter les boutons pour faire la finition de nos habits. Ces vêtements allaient servir pour les fêtes de fin d’année ou pour aller à l’école. C’est avec un réel engouement que nous exécutions ces tâches. Parce que c’était une activité passionnante qui sortait du cadre commun. Ainsi, tous les enfants travaillaient avec autant de passion pour pouvoir arriver à la finition d’un vêtement.

On peut donc supposer que vous êtes un enfant de la mode…
Dans ma famille, je ne suis pas le seul à avoir travaillé dans le domaine de la mode. J’ai des aînés qui ont eu des structures de mode et qui ont été amenés à abandonner à cause de leur travail. Cependant, ils y reviennent avec joie lorsqu’ils ont le temps.

Ce qui signifierait que la famille vous a sans doute accompagné dans votre choix…
Entre travailler à la maison en tant que hobby et embrasser le métier comme une profession, il y a un grand fossé. Cependant, il faut préciser que bien qu’il y ait eu des inquiétudes de la part de la famille, il n’y a pas eu du tout de réticences.
Quel a été l’apport de votre formation de base dans la couture ?
Je suis effectivement informaticien. Sorti de l’ex-Inset de Yamoussoukro qui est actuellement l’Inphb. Bien qu’étant à l’Inset, j’ai continué d’être dans la mode. Puisque j’habillais mes condisciples. C’est une passion que j’ai nourri au fil des années. Particulièrement l’informatique m’a apporté l’organisation, la structure de l’entreprise et une certaine vision du monde. Ce qui m’a permis de paraître organisé et bien structuré au niveau de la clientèle. Même dans le travail, nous nous rendons compte que la gestion informatique intervient énormément. L’informatique compte à peu près pour 80% dans la gestion de la clientèle, du personnel et des tâches.

Quels conseils pouvez-vous donner sur l’importance de l’informatique dans la mode ?
Le conseil que j’aurai à donner à tous ceux qui embrassent une profession tertiaire et plus particulièrement la mode, c’est qu’il puisse faire eux-même une initiation à l’informatique. Cela va leur donner un bagage pratique nettement plus intéressant et multidimensionnel. Au niveau de la gestion, ils pourront avoir une tâche plus aisée. En ce qui concerne la programmation des tâches en atelier, ce sera encore plus facile. S’agissant de la création, ils pourront faire des dessins assistés par ordinateur. Et au niveau de la gestion du personnel, ils auront encore moins de fil à retordre.

Plus de 50 ans après les indépendances que pensez-vous de l’évolution de la mode ivoirienne ?
La mode ivoirienne suit son chemin. L’on a l’habitude de dire que Dieu écrit droit sur des lignes courbes. C’est de la même manière que la mode ivoirienne continue son chemin en écrivant sur des lignes courbes. Malgré les périodes de crise et de récession économique, la mode africaine s’affiche et s’affirme. A ce jour, la Côte d’Ivoire est le pôle de la couture africaine. Parce que tout azimut, vous trouvez des créateurs, des magasins d’étoffes et des petits tailleurs alignés en bande. Chacun y trouve son compte, les modèles fleuristes et la créativité est de mise. Assurément dans une dizaine d’années, la Côte d’Ivoire sera le pôle mondial de la créativité vestimentaire. Parce que nos jeunes qui sortent sont pétris de talents. C’est comme si Dieu avait déposé le centre de la créativité vestimentaire en Côte d’Ivoire.

Quel est la part de la mode dans l’économie ivoirienne ?
Vous savez que c’est un secteur tertiaire qui n’est pas très bien organisé et qui est mal défini. Je ne saurai vous donner de chiffres exacts. Cependant, on s’aperçoit que les enfants qui se sont orientés vers les métiers de la couture, ont monté des structures qui tiennent. Et qui génèrent des richesses. A ce jour, sans chiffres exacts, je peux dire que la couture, la mode a créé à peu près 30% des richesses dans l’économie ivoirienne.

Où en est Alain Niava avec sa griffe « Alleen’s wear » ?
« Alleen’s wear » est une déclinaison d’Alain Niava anglicisé à ma façon. "Alleen’s wear" a nettement évolué. En ce sens qu’elle s’est départagée en "Alleen’s bag" qui est la déclinaison maroquinerie. "Alleen’s wear" s’est déclinée également en "Alleen’s shirts", "Alleen’s Shoes", "Alleen’s weeding", "Alleen’s purse". Nous avons différents départements qui sont intégrés dans la ligne globale "Alleen’s wear". La griffe se porte bien. Depuis l’aube de la crise, nous avons pris une option. A savoir, travailler pour le corporate. Cela veut dire tout simplement travailler pour les entreprises. Nous créons des vêtements que nous proposons aux entreprises pour leur permettre d’avoir un dress-code. Une manière de s’habiller uniforme de tous les employés d’une entreprise. Ce qui permet d’afficher une qualité vestimentaire et une image de marque de la société. Nous avons commencé par habiller timidement les banques, aujourd’hui, ce sont les compagnies aériennes qui s’y mettent avec les compagnies d’assurances et les grandes écoles. C’est notre nouveau fer de lance.

Quelles sont les grandes dates qui ont marqué votre carrière?
Je vais mon petit bonhomme de chemin. L’Espagne a été un tournant de ma vie en ce sens que nous (un pool de styliste) avons été invités par la Reine d’Espagne pour pouvoir présenter les collections ivoiriennes. J’y ai établi une demeure par amour parce que l’Espagne à un certain moment m’a souri. C’est comme cela que j’y ai séjourné un peu plus de 5 ans, à proposer mes collections, à vendre et à participer au quotidien à la vie de l’Espagne. C’est ainsi également que j’ai pu présenter des collections en Allemagne et en Norvège en 2006. Ce fut une grande tournée (Allemagne, Norvège, France et Espagne). Le 30 novembre 2006 est la date qui m’a le plus marqué dans la vie. Elle correspond à la présentation de ma première collection de maroquinerie qui s’appelait « cuir et pagne » sous le parrainage de Mme Thérèse Houphouët-Boigny, à l’Hôtel Ivoire. Cette collection a connu un franc succès. Cela a été le départ des lignes de collection "Alleen’s Bag".

Quels sont vos rapports avec les autres stylistes modélistes ?
Mes confrères et moi avions des rapports très cordiaux. Autant dans l’ancienne génération que la nouvelle. Je voue un respect énorme à celui que nous appelons tous papa Pathé’O. Qui est l’un des précurseurs de la mode ivoirienne. J’ai également de très bons rapports avec Miss Zahui, Angybell, Gilles Touré qui font partie plus ou moins de la grande vague des précurseurs de la couture et de la mode ivoirienne. J’ai également de bons rapports avec ceux que j’appelle les créateurs contemporains. Et qui sont en vogue en ce moment. Ce sont Eloi Sessou, Patrick Asso, Ciss Saint Moïse, Habib Sangaré. Ensemble, nous faisons partie de l’association des créateurs de mode et couturiers de Côte d’Ivoire. Nous nous rencontrons très souvent. Par rapport aux fêtes de fin d’année, nous sortons d’un dîner de rencontre où nous avons exposé nos problèmes. Nous avons jeté les bases des nouvelles collaborations pour le futur et déterminer les objectifs du bureau de notre association. Avec la génération montante, j’ai également des rapports francs et très cordiaux dans la mesure où je fais partie de l’Ong Yéhé pilotée par Miss Zahui. Où je suis chargé de la formation des jeunes créateurs. Donc, il n’est pas rare de les voir venir chez moi pour des séances de formations et des conseils. Ou même pour m’aider à travailler et à finir mes collections.

Quels conseils pouvez-vous donner aux jeunes qui veulent embrasser cette carrière ?
A ces jeunes, je dirai de se retenir et voir véritablement si c’est le métier qu’ils ont choisi. Car, c’est un métier passionnant mais difficile. En ce sens que lorsqu’on n’est pas bien organisé et qu’on n’a pas le talent, on ne peut pas avancer dans ce métier. Il faut impérativement qu’ils s’approchent des aînés pour pouvoir éveiller leur fibre créatrice. Il faut qu’ils décèlent en eux leur talent et décident véritablement de leur orientation. Pour cela, il faut qu’ils puissent rentrer dans une école pour être formés. Quand je parle de formation, il faut qu’ils soient sûrs d’avoir au moins le baccalauréat. Et ensuite poursuivre pour atteindre un niveau Bac+2, Bac+4 ou Bac+5. Cela leur permettra dans l’exercice du métier d’avoir une bonne compréhension pour pouvoir évoluer sainement et tirer leur épingle du jeu. Si ce n’est pas cela, il leur sera difficile d’arriver à convaincre. Qu’ils sachent que quelqu’un qui ne sait pas convaincre est voué à l’échec.

Entretien réalisé par CHEICKNA D. Salif
(In Fratmat.info)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire