Le colonel-major Dosso, assassiné par les hommes de Dogo Blé |
Certainement
qu’ils se seraient échangés des coups de poing, s’ils n’avaient pas été devant
un tribunal de qui dépend leur sort ! Avaient-ils déjà donné le ton, quand ils
prirent place dans le box des accusés juste après 10 h, sans s’adresser la
parole ni se regarder dans les yeux ?
Le sergent Lago Léo et le commandant Kipré Yagba,
accusés d’assassinat et de complicité d’assassinat du colonel-major Dosso
Adama, ont eu une chaude confrontation faite de versions contradictoires sur
les circonstances de ce crime. Le jeudi 4 octobre 2012, dans la grande salle
d’audience de la Cour d’appel d’Abidjan où siège, pour la circonstance, le
tribunal militaire, les deux hommes ont palabré…comme le feraient deux rivales
dans une cour commune.
Versions contradictoires
A la barre, le Sergent Lago dit avoir été appelé, le
soir du meurtre, par l’officier adjoint de la garde républicaine, Kipré Yagba
et lui a tenu ce langage : « Le commandant Kipré m’a appelé à
son bureau et m’a dit que sur ordre du général Dogbo Blé, nous devons nous rendre
au blocus du Golf pour chercher le colonel major Dosso et l’éliminer et revenir
leur rendre compte, lui et le général Dogbo Blé ». Du banc des
accusés, le commandant Yagba, d’un geste de la tête, réfute les propos du
soldat. Lorsqu’il se présente devant le président du tribunal, l’officier
fait comprendre à la Cour qu'il n’a reçu ni transmis d’ordre à qui que ce soit
de la part du commandant de la garde républicaine. « Le sergent Lago
est entré dans mon bureau, sans que je ne l’ai appelé. Il m’a demandé
s’il y avait une mission au blocus du Golf. Je lui ai répondu que je n’en
savais rien et qu’il pouvait se renseigner auprès du sergent Yapi Yavo (en
fuite : Ndlr) car je l’ai entendu parler de cela. » Le parquet
libère une question : « Mais commandant, vous ne n’avez pas
cherché à savoir de quelle mission il s’agit ? ». Kipré Yagba
répond : « Le général Dogbo ne m’a pas parlé d’une telle
mission, donc je ne m’en mêle pas. Si c’était quelque chose de sérieux, il
m’aurait dit cela. Ce jour-là, je suis resté tard au bureau et j’y ai passé la
nuit. Je n’ai pas eu de contact physique avec le général ». Ces propos
sont loin de convaincre le ministère public qui sort alors la déposition faite
par le commandant Yagba, lors de l’enquête préliminaire et en donne lecture. Il
ressort que, interrogé par le juge d’instruction, l’officier adjoint a déclaré
avoir appris qu’il était question d’aller chercher le colonel-major Dosso et le
conduire à la brigade de recherche. « Je l’ai dit, mais pas de cette
façon », se défend Yagba.
Un air de déception
« Mais vous avez signé la déposition ! »,
lui fait remarquer le juge Kanga, président du tribunal. Me Martial Gahoua sent
son client en difficulté. Il sollicite une pause. Le parquet n’y voit pas
d’inconvénient et la réponse de la Cour est favorable… Une dizaine de minutes
après, le commandant Yagba explique au tribunal qu’il reconnaît la déclaration
qu’il a faite devant le juge instructeur mais laisse cependant entendre qu’il
n’a pas participé à l’exécution du crime et n’a pas reçu d’ordre du général
Dogbo Blé, tout comme il n’a pas donné d’ordre au sergent Lago « contrairement
à ce qu’il dit ». La Cour demande une fois de plus à entendre le
sergent Lago Léo. Celui-ci se déchaîne : « Dites la vérité. Il
faut qu’elle soit sue et que le mensonge soit hors de ce tribunal. Le
commandant tourne la Cour en ridicule. Je suis désolé. Je confirme qu’il m’a
appelé et m’a laissé entendre que c’est sur l’ordre du général que nous
devrions aller chercher le colonel-major Dosso pour l’exécuter. Et quand nous
sommes revenus, nous leur avons rendu compte ». Le tribunal accorde
après ces propos, un droit de réponse au commandant Yagba qui dit tombé des
nues devant « le mensonge » du soldat Lago. « C’est de la
manipulation contre ma personne. Lago sert le mensonge au tribunal. Je ne
comprends pas pourquoi, il veut forcément m’impliquer dans cette affaire.
Monsieur le président, je n’ai rien fais. Je suis diplômé de l’état-major. Je
suis conscient de ma responsabilité et je ne peux pas ordonné qu’on tue
quelqu’un. Lago a tué le colonel Dosso de sang froid et il ment sur moi de sang
froid », se vide-t-il. Le parquet relance le débat et interroge
l’officier adjoint : « Le sergent Lago avait-il des raisons de
vous en vouloir ? Pourquoi c’est vous qu’il cite et pas quelqu’un
d’autre ? ». Les mains à la hanche, Yagba répond l’air
déçu : « je me pose encore la question, jusqu’aujourd’hui ».
Le juge Kanga Pennon Mathurin suspend la séance. « Elle sera reprise le
lundi ( 8 octobre 2012 : Ndlr) à 10h », annonce-t-il. Le général
Dogbo Blé, qui s’attendait sans doute à être appelé à la barre, afficha un air
de déception.
Alain BOUABRE
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire